L’ère numérique est marquée par la prolifération de plateformes Internet, webséries, écrans connectés et réseaux sociaux qui, de plus en plus souvent, accompagnent et dilatent la temporalité élargie des séries télévisées. Face à ce constat apparait la nécessité d’étudier la fiction dans l’interaction de ses extensions en réseau et des pratiques des fans.
Pour y répondre, ce projet propose une méthodologie de recherche quantitative et innovante dédiée à l’analyse des phénomènes sériels de la télévision dans un moment de convergence des contenus, médias et communautés et du développement de méthodologies de recherche basées sur les big data. Ces phénomènes complexes que sont les séries télévisées appellent des modes spécifiques de représentation visuelle afin de saisir des tendances qui échappent à l’analyse esthétique et séquentielle héritée des études cinématographiques.
Les objets étudiés sont les œuvres télévisées devenant, par l’interaction de différents processus de production et de réception, des phénomènes sériels élargis qui se transforment dans le temps. Il s’agira de faire émerger les conditions d’existence, les caractéristiques intermédiales, transmédiales et les mutations dans le temps de ces expériences de fiction sérielle.
Le projet vise donc à cartographier le panorama contemporain des productions sérielles ayant des extensions en ligne et à analyser les interactions des formes, des formats et des pratiques de production, de diffusion et de réception de ces œuvres plurielles ainsi que leurs effets sur le plan culturel. Il s’agira de comprendre jusqu’à quel point les nouvelles technologies et la convergence médiatique contribuent à la transformation des habitudes des consommateurs, des pratiques de création et de distribution.
S’inspirant des travaux de Franco Moretti en littérature, une approche macroscopique (lecture distante) est mobilisée. Ce travail de big data permet la prise en considération d’une masse importante de données afin de saisir à un niveau global les interactions entre les multiples fragments qui constituent un récit audiovisuel aujourd’hui. L’objectif général est donc de dégager une vision complète de l’entrelacement des phénomènes officiels et grassroots qui concourent à constituer la vie sociale d’une œuvre.
La carte géographique est un outil adapté permettant de traduire et d’organiser simultanément un grand nombre d’informations mais également de prendre en compte l’évolution temporelle et spatiale de celles-ci.
Le projet se déroule en deux temps :
➔ Une première période consiste à construire une base de données afin de faire émerger visuellement – cartes, graphes, diagrammes – certaines tendances et relations entre des paramètres de genre, de localisation, de format, etc.. Voici quelques exemples :
❋ Lien entre le format et le type d’extensions en ligne;
❋ Évolution du nombre de plateformes Facebook depuis 1999;
❋ Lien entre la position géographique de production et genre;
➔ Une deuxième période du projet est consacrée à l’analyse des pratiques des spectateurs autour d’un corpus restreint de séries télévisées. Cette méthode permet d’examiner un élément isolé, film ou série télévisée, en tant que sphères de discours se développant de façon transnationale. Dans ce cadre, les stratégies d’interaction avec les publics et les usages que les téléspectateurs mettent en œuvre seront étudiés à une échelle internationale.
Notre méthodologie de recherche interdisciplinaire constitue une étude préalable à un travail de plus grande ampleur, pour l’analyse de l’état de la fiction télévisuelle à l’ère du numérique.
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