The Haunting of Hill House : analyse qualitative des discours numériques à la sortie de la série (17 octobre 2018, par Florence Huard-Tremblay)

Cette recherche s’inscrit dans la continuité des travaux réalisés l’année dernière par le Labo Télé à propos des discours des spectateurs sur les plateformes numériques à l’aide d’outils d’analyse cartographiques. La nouvelle série d’horreur signée « Netflix Original » The Haunting of Hill House, a créé tout un évènement depuis sa sortie le 12 octobre dernier, entre autres par sa manière innovatrice d’intégrer l’horreur à la télévision. En suivant la formule inventée par le service de distribution en ligne, les dix épisodes de cinquante minutes ont été rendus disponibles d’un coup sur la plateforme, et ce mondialement. Elle est créée, scénarisée et réalisée par Mike Flanagan, déjà connu auprès des admirateurs de films d’horreur entre autres pour Oculus (2014), Hush (2016) et Gerald’s Game (2017). La série est l’adaptation du roman du même nom de l’Américaine Shirley Jackson, publié en 1959 qui a également été le sujet de deux films.

Dans une perspective d’analyse qualitative, l’axe de recherche se délimite à la comparaison des discours avant et après la sortie de la série, et de quelle façon est abordée le genre de l’horreur par les usagers. Les questions de réception se posent comme suit : (1) comment les attentes des téléspectateurs sont exprimées sur les réseaux sociaux? (2) Est-ce que les discours suivant la sortie concernent le genre de l’horreur? L’intérêt est surtout porté envers la façon dont les utilisateurs expriment leurs émotions ressenties face à la série. Les sites d’analyse Netlytic et Social Bearing ont été privilégiés pour des raisons pratiques d’accessibilité, de performance et de multiplicités des outils qualitatifs proposés. De la même façon, le champ d’analyse est réduit au réseau social Twitter. Les données ont été récoltées du 10 octobre au 15 octobre 2018, avec les termes de recherches suivants : « #HauntingofHillHouse ».

Promotion de l’horreur 

Dans l’intention d’attirer un public déterminé et de le fidéliser, Netflix a misé sur l’horreur pour promouvoir sa série sur sa plateforme et ses réseaux. En inscrivant la série dans l’actualité du mois d’octobre, le mois de l’Halloween, Netflix présente sa série comme un évènement et encourage ses abonnés à la consommer rapidement, et ce avant le 31 octobre. Surtout, Netflix propulse le mois de l’horreur et son mot-clic « NetflixandChills » sur Twitter. Il rassemble les contenus originaux The Chilling Adventures of Sabrina, Dark Crystal et Umbrella Academy sous un même ensemble. Le mois de l’horreur promet tout le nécessaire pour une soirée effrayante : « Demons. Vampires. And so many cornfields. Everything you need for a delightfully creepy night in » peut-on lire sur la page d’accueil du site. Haunting of Hill House s’illustre d’une plus grande stratégie publicitaire de la part de son distributeur. Ainsi, en associant presque exclusivement la série au genre de l’horreur, celle-ci apporte son lot d’attentes spécifiques au genre telles que la promesse de la peur et des émotions fortes, la promesse d’un dénouement inattendu et d’un univers gothique.

Analyse du discours avant la sortie

Avant le 12 octobre, la quantité de discours récoltée était généralement basse. En date du 10 octobre, peu d’activités étaient rattachées au mot-clic « #HautingofHillHouse » sur Twitter. De la même manière, les données étaient comparables entre Social Bearing et Netlytic, permettant ainsi aux deux sites de se valider entre eux. Tout d’abord, sur Social Bearing le graphique « Tweets By Type » nous fait remarquer que sur l’échantillon de 197 tweets retenus en dix jours, plus de la moitié était des « retweets », donc partagés. Le 11 octobre à 22 h 30, soit un peu plus d’une heure avant la sortie de la série, les échantillons recueillis avec le même mot-clic sur Twitter n’avaient pas beaucoup changé depuis la veille. Sur une période de dix jours, cette fois-ci un maximum de 260 tweets était récolté. Dans les nuages de mots et de mots-clics formés par les deux sites, nous mentionnons la présence des autres titres reliés aux « #Netflixandchills » et « #NetflixHorror » (tel que « #DarkCrystal » et « #UmbrellaAcademy »). Plus particulièrement sur Netlytic, qui permet la prise en compte des mentions aux utilisateurs, la page officielle de The Chilling Adventures of Sabrina prend sa place dans le top 10 des mots fréquents, et la carte « Network Analysis » démontre une forte concentration de tweets autour de cette page. Comme illustré, les tweets des utilisateurs inscrivent The Haunting of Hill House dans un réseau avec les autres séries du corpus « #NetflixandChills ». Autrement, les mots « can’t », « wait », « amazing » se retrouvent dans les nuages de mots.

Sur les deux jours, nous pouvons conclure à un nombre faible de discours, et notamment peu de tweets originaux. Les utilisateurs partagent des nouvelles sur la série, plutôt que de partager leurs propres opinions face à elle. Ils s’engagent dans la stratégie commerciale de Netflix, en créant un réseau de discussion autour du « #NetflixandChills » et de ses séries associées. Malgré tout, l’horreur est présente avec des mentions fréquentes du mot « horror » et des mots-clics « #halloween » et « #ghosts ». Les multiples présences du « #Netflix » démontrent d’une forte appartenance de la série à sa plateforme. Pour les utilisateurs, The Haunting of Hill House appartient à la marque Netflix, et les attentes sont construites en conséquence. Ainsi, le taux faible d’activités permet de conclure qu’il y a peu d’attentes autour de la série comme telle, mais plutôt envers le mois de l’horreur annoncé.

Analyse des données après la sortie

Dès les premières heures de la disponibilité de la série, le nombre de discours a doublé depuis la veille. Ainsi, le 12 octobre sur Twitter Social Bearing récolte 300 tweets en 24 heures, et le ¾ sont des réactions originales. Déjà, les utilisateurs partagent leurs opinions et impressions de la série. Les mots-clics et les mots qui se retrouvent dans les nuages sont plus diversifiés que la veille, et les termes « watch », « watching », « watched », « episodes » et « weekendplans » rejoignent les conditions de visionnement. Pour le même moment, Netlytic nous démontre un changement de termes évident dans l’outil « Words over time ». Le terme « Netflixandchills » descend dans les discours, ainsi que les mentions à The Chilling Adventures of Sabrina. Les mots « tvtime », « episode » se rajoutent dans les dix mots les plus mentionnés. Ainsi, la série se délaisse de sa stratégie de promotion, et les utilisateurs conversent de son contenu.

Trois jours plus tard, le lundi 15 octobre, le premier constat est frappant, il y a une nette augmentation des tweets, plus de 200 à l’heure. Selon Social Bearing, les nuages de mots formés sont plus variés, et ces nouveaux termes nous indiquent que les utilisateurs discutent autour du contenu et de la qualité de la série. Désormais, les personnages (« #lukeandnellie », « #twins »), les éléments d’horreur (« #basementghost », « horror ») et l’ambiance (« #spoopy », « #psychologicalthriller », « spooky », « #masterpiece ») sont les termes privilégiés. Sur Netlytic, l’échantillon créé le 15 octobre pour le mot-clic « #HauntingofHillHouse » est de 1500 tweets sur une période de dix jours. Ainsi, il couvre l’avant et l’après de la sortie, toutefois la ligne du temps démontre que la moitié des tweets ont été envoyés après le 12 octobre, et donc qu’il représente en majorité les réactions après la diffusion. Dans ce bassin plus large, les termes se ressemblent beaucoup, nous obtenons « episode », « #tvtime », « watched » et « horror » dans les nuages. L’outil « Network Analysis » démontre des discours plus éclatés entre les utilisateurs, qui ne sont plus concentrés autour des pages officielles des séries, comme c’était le cas avant la diffusion.

Ainsi, après la sortie de la série il y a un changement des types de discours important, plus particulièrement dans le contenu des tweets. Les utilisateurs discutent de leur visionnement de la série, de leurs impressions et émotions. En mentionnant l’épisode auquel ils sont rendus (avec des mots-clics comme « #s01e01 »), ils conversent directement de leur réaction au contenu. Les personnages et la peur ressentie devant la série deviennent les sujets privilégiés. Les utilisateurs commentent leurs habitudes de visionnement en direct et en temps réel, ce qui encourage une consommation rapide des épisodes.

Conclusion

Pour répondre à la première question de recherche, nous constatons qu’il n’y avait pas réellement d’attentes envers la série avant sa diffusion, et que c’est après sa sortie que les utilisateurs de Twitter se rassemblent. Ensuite, les hypothèses se confirment autour de la deuxième question, puisque les nuages de mots nous indiquent qu’effectivement les spectateurs mentionnent des éléments d’horreur de la série, avant et après le 12 octobre. Avant la diffusion, les utilisateurs adhéraient à l’avance à l’horreur de la série, en partie par la promotion faite par Netflix. Ces attentes se sont transmises par la suite avec les impressions relayées sur Twitter, où des termes reliés au langage de l’horreur deviennent fréquents (« horror », « spooky », « ghosts » et « scary »). Pour la plupart, ils expriment leurs émotions en temps réel quant aux évènements dans les épisodes. Les discours sont donc devenus personnels, tels une façon se d’exprimer et de s’approprier le contenu de la série.